Je reprends l’écriture. Pour renouer après avoir subi.. le choc du lyrisme démodé. Rupture. Le sentiment de ne pas être à ma place (encore). Décalée flottante hors temps. Qu’ai-je à dire à cette génération. Qu’ai-je à me dire au-delà du silence. J’ai retravaillé chaque mot chaque dissonance. Était-ce nécessaire. Albane Gellé écrit bancale ne finit pas ses phrases oublie sa ponctuation ou ne l’oublie pas. Son écriture est libre. J’ai contraint la mienne. J’ai contraint pour répondre à une idée de l’harmonie comme on contraint un corps pour le faire danser. Entrer dans le carcan, être le carcan. Et pour croire entendre les murmures collectifs se détourner méprisants. Passé d’époque, has been, hors-jeu, à côté de la plaque, poète du dimanche. Malaisant. Déroutant et violent. Mes poèmes sont beaux, je le sais, chargés d’une puissance à frémir. Des mots qui raclent le fond des entrailles. Mais les entrailles ce n’est pas actuel. Ça pue. C’est sale et honteux.
Public ou privé. Comment savoir ce qui doit être donné à entendre ce qui doit rester protégé sous le seaux des lèvres closes.
Maurice Genevoix m’a offert « un jour » de poésie, de temps révolu. Il m’a offert un mot. Consentir. Quelque chose en moi se refuse à consentir. S’exposer, s’offrir à la critique, au possible déversement hystérique de toutes les haines étouffées. C’est comme se jeter volontiers en pâture. Sylvie Germain, du jour au lendemain s’est retrouvé traquée par de jeunes chiens écervelés agressifs aveuglés de bêtise. Vengeance obscure contre qui quoi contre soi.
Ecrire ces pages. Pages de la perte. Perdre son temps ses doutes ses espérances. Prendre le risque d’écrire à haute voix. Ou répondre pour toujours à l’injonction tacite hypnotique et insistante de se taire.
Je suis une prisonnière une esclave une victime consentante. Incapable de me dresser face au pouvoir qui m’accable. Ecrire à haute voix. Le faire pour moi pour échapper à ma servitude volontaire empêtrée de peurs de loyauté de déni de lâcheté.
Ne plus modifier les mots qui viennent – un pied de nez à la censure à l’ordre des mots, je dirais même à l’orthographe qui se dérobe à ma vigilance.
Anne Frank. Le journal d’Anne Frank fugitive. Cachée. Une temps infini qui se dérobe au réel. J’entends grincer les planches. Une vie. Fantomatique. Je suis elle elle est moi. Sororité et connivence. Contrainte à l’enfermement à la dissimulation murée de silence. Anne Anuuk. Le tambour réveille les âmes et les unit. Les mots traversent les murs et les nuits. Les mots ravivent le désir de vie engourdi.
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